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Dans la semaine

Documentaire  /  2021 /  1h02

Réalisation, image, son, montage & mixage  /  Paolo Jacob

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Cela fais trente ans que Catherine anime un atelier de peinture au cœur d'un service de gériatrie. Quelque résidents y viennent plusieurs fois par semaines, parfois depuis des années.

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Après le rituel du café partagé, certains se mettent au chevalet, d’autres se saisissent d’un crayon, silence et bavardages alternent, la mémoire va et vient avec ses fulgurances et ses trous parfois béants. Enfance et vieillesse s’entremêlent, le regard souvent n’obéit plus aux anciennes conventions. L’intime y a sa place, l’hôpital est loin, bien qu’il soit derrière la porte.

Entretien avec Paolo Jacob

Comment t’est venue l’idée de ce film ?

 

J’étais encore au lycée, en fin de terminale et j’avais décidé de ne pas passer mon bac. Un jour je suis allé voir ma mère à son atelier, ça faisait des années que je n’y avais pas mis les pieds. J'y ai découvert ma mère dans son travail, et sa relation aux patients m’a beaucoup touché. A ce moment là je faisais de la photo et ça faisait quelque temps que je voulais confronter mon regard à un sujet particulier. Je fais des photos pendant une semaine mais ces dernières ne me plaisent pas car elles ne racontent que peu de chose au regard de ce que je ressens. Pour restituer plus directement ce que j’observe, une solution de facilité me vient à l’esprit : Faire un film. Je n’y connais rien mais j’emprunte une caméra à mon frère, un micro à un autre et me décide à filmer.

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On ne sait pas que Catherine, (la protagoniste principale du film) est ta mère, quelle relation

de filmeur-filmée avez-vous eu ?

 

Je crois qu’au début ma mère n’a pas vraiment saisi mon désir de filmer. Pour elle, j’étais son fils qui l’accompagnait à son travail. Ça faisait longtemps que l’on n’avait pas de moments privilégiés seulement tous les deux. Ça faisait un bien fou de se voir dans un autre cadre que celui de l’appartement. On allait à l’hôpital en voiture, on discutait beaucoup. Je découvrais son univers, participais à son atelier et sortais la caméra de temps en temps. Ma mère est tellement prise par sa relation avec ses patients qu’il a été simple pour moi d’être proche d’elle et de la filmer ainsi. C’est une personne qui n’a pas peur d’être regardée pour ce qu’elle est, tant qu’on ne lui colle pas une étiquette sur la peau. Pour ce qui est de sa voix off, il n’a pas été facile de prendre un moment pour l’enregistrer. Catherine n’aime pas faire de théorie sur son métier, elle craint d’enfermer sa pratique dans des concepts. Le film aussi se regarde toujours au présent, dans l’instant de la relation.

 

Quelle relation avais tu eu avec les personnes qui venaient à l’atelier ?

 

J’ai filmé en totalité 11 heures, ce qui est peu pour un long métrage documentaire. La majorité du temps je le passais autour de la table, à discuter, boire le café, dessiner ou à les regarder dessiner. Je prenais la caméra quand je sentais que quelque chose allait arriver. Ma caméra était si petite que la plupart des patients ne comprenaient pas que je filmais. Pour eux, je prenais des photos. Je devais souvent répéter que j’étais le fils de Catherine et que je tournais un film. Par exemple, madame Voirin oubliait systématiquement qui j’étais alors que notre relation semblait grandir au fur et à mesure des séances. Parfois je me faisais discret, le temps de filmer leurs premiers instants dans l’atelier, mais mon rôle de filmeur-guetteur se faisait vite rattraper par leur curiosité et leurs désirs d’échanges.

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Dans le film, quasiment personne ne parle de la maladie d’Alzheimer, alors que la vie des patients est régie par cette maladie, pourquoi ?

 

La maladie d’Alzheimer se manifeste de tant de manières qu’il serait difficile d’en parler avec justesse. Il y a des patients qui se voient perdre la tête, certains l’acceptent plus ou moins bien, d’autres pas du tout. Catherine ne réduit pas ses patients à leur pathologie. Quand elle les rencontre, ils sont pour la plupart d’entre eux déjà atteints de démences Alzheimer ou apparentées. Elle découvre la personne comme ça et contrairement aux proches, elle n’a pas besoin de faire le deuil de ce que représentait la personne pour elle. Catherine fait parler ses patients, sur leurs souvenirs de jeunesse, période souvent épargnée par la maladie. Elle joue le jeu de la répétition et rappelle aux patients les bouts d’histoire qu’elle leur connaît et dont ils aiment parler. Quand les patients sont à l’atelier, ils oublient souvent qu’ils vivent à l’hôpital, ils parlent de chez eux comme s’ils allaient y retourner une fois la séance finie. C’est peut-être l’ambiance et le décor de l’atelier qui les fait se sentir ailleurs. Ne pas oublier est un combat de

tous les jours qui n’est pas favorisé par ces institutions où les personnes sont très esseulées.

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Pourquoi avoir fait le choix de filmer exclusivement à l’atelier de peinture ?

 

Je n’avais pas trop le choix, ma mère ne me permettait pas vraiment d’y sortir avec ma caméra. Le film s’est tourné en catimini au sein de l’atelier. Quand j’accompagnais ma mère dans les services, j’étais très heurté par les conditions de vie des résidents. J’étais surpris de découvrir ces vieux visages postés devant une télévision dont il n’avait rien à faire. Il y a une ambiance morne et aseptisée dans les services parfois interrompue par les cris d’un résident angoissé. Catherine a pris l’habitude d’aller voir ses patients dans leur chambre et de les amener à l’atelier.

Elle préfère faire le chemin avec eux, ça crée des repères, les transitions entre leur vie au sein et en dehors de l’atelier. Mais dans ce temps suspendu passé en compagnie de Catherine, les patients ne cessent d’évoquer leur vie à l’hôpital ; leur attente, leur ennui, leur souffrance de l’absence de telle ou telle personne qui ne vient plus les visiter. Bien que le film soit tourné exclusivement à l’atelier, on n’en sent pas moins les conditions de vie à l’hôpital.

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C’est un film sur la fin de vie également ?

 

C’est un film qui montre ce qu’il est possible de faire même quand le corps et la tête foutent le camp.

Le film renvoie à notre propre finitude. Il permet de s’y confronter et de se poser la question de la manière

dont nous prenons en charge nos aînés.

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