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Mon parcours

Voici quelques bribes de mon parcours où je tente d’expliquer comment et pourquoi je me suis mis à fabriquer des films.

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Je suis né à Paris en 1995, je n’ai pas fait d’école de journalisme ni de cinéma, j’ai appris comme beaucoup, en faisant. L’école ça n’allait pas trop pour moi, dès la primaire je suis en retard dans l’apprentissage et crains le redoublement. Au collège, alors que mon proviseur m’envisage un bac pro plomberie, je prends connaissance de l’existence d’un lycée « autogéré » à Paris.

 

Suite au stage de pré-admission et malgré mon bas niveau scolaire, (loin d’être le premier critère de sélection),

je suis admis au début de l’été. Le L.A.P a été une grande respiration pour moi, je me sentais vraiment plus libre, à la fois en dehors et dans le lycée. D’ailleurs je rentrais et en sortais librement. Mon problème avec l’autorité adulte s’estompait peu à peu au profit de relations simples, d’humain à humain. Le choix des activités et des cours, la gestion collective du lycée, nos réflexions et nos actions qui en découlent me font sentir ce que l’on peut accomplir ensemble. Je ne prépare pas le bac et participe aux cours et activités qui m’intéressent. Le vendredi avec deux camarades de classe, nous cuisinons 70 repas, avec l’aide de quelque élèves qui glandent à la cafétéria. On ne connait pas les normes d’hygiène, on cuisine des plats végétariens, les élèves et les professeurs nous font confiance, et nous mettons quelques sous de coté pour un voyage à Londres. Je prends conscience que faire la cuisine ça nous rapproche. Mais je vois également que l’on rêvait souvent sans agir, que nos débats tumultueux finissaient en discussions où les idées semblaient se suffire à elles-mêmes. Beaucoup de graines avaient éclos en moi mais aussi des grains de colère. En dehors du L.A.P était un monde sur lequel je n’avais aucune prise. Il y a un labo photo argentique dans ce lycée où je passe des après-midis entier. Avec mon appareil, je vagabonde dans la rue, je photographie les gens à la volée et les grands immeubles qui surplombent la rue de leur verticalité. Je me questionne sur la ville, sur l’urbanisme, j'ai des doutes sur certains aménagements mais je m’efforce à faire de belles photos.

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Je découvre la marche et le bivouac avec une amie dans le golfe du Morbihan. La lumière, les paysages ont une harmonie que je retrouve difficilement en ville, et je fais de jolies photos. De retour à Paris, je ne cesse de questionner mon mode de vie. Je me sens étriqué à Paris, la nourriture, la lumière des lampadaires, les murs de ma chambre, les gens que je croise, les mendiants, l’eau de la Seine qui coule sans cesse, d’où vient-elle ? Je ne connais rien de tout cela. Je comprends certaines choses à travers des films documentaires, des expositions photos ou encore des émissions radiophoniques que les professeurs nous font écouter.

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Pendant les épreuves du bac je vais voir ma mère à son atelier de peinture, dans l’hôpital de gériatrie de Limeil-Brévannes. Je me lance dans un reportage photo et puis me décide à la filmer. Je pose un cadre et laisse tourner la caméra. Pendant deux mois je filme et rencontre ma mère à travers son métier, ainsi que ses patients, la plupart souffrant de démences Alzheimer ou apparentées. Ma mère à un rapport génial avec ses personnes âgées, elle est curieuse de leurs vies et s’adapte à chaque personne, à chaque histoire. Parfois les patients ne viennent que pour boire un café, parfois ils s’installent au chevalet, ma mère les accompagne pas à pas, elle veut que la toile les raconte. C’est toute la force du film « dans la semaine ».

A l’époque je n’y connaissais rien, au son. J’avais posé un enregistreur ZOOM sur ma caméra et avec les capsules XY, je faisais de la stéréophonie sans le savoir. Je passe deux mois sur l’ordinateur de mon père à monter un film.

Je trouve ça passionnant. Je me rends compte que la moitié de mes prises de son ne sont pas exploitables.

 

J’organise une projection, le film est très bien reçu, et s’ensuit un échange avec ma mère. Des amis intimes à elle découvrent le métier qu’elle exerce depuis 30 ans. Moi-même son fils, le découvrais depuis peu. Sommes-nous dans des bulles, à travers lesquelles nous nous voyons sans nous entendre ? Je me dis qu’il faut filmer, enregistrer les petits fragments insoupçonnables de cette société cloisonnée, ses bribes de vie invisibles dans les lumières aveuglantes du flux d’informations.

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Le lendemain de la projection je pars en Ardèche pour débuter une sorte de formation à la culture coopérative,

le « compagnonnage » alternatif du réseau R.E.P.A.S. (Réseau d’Echanges et de Pratiques Alternatives et Solidaires). Je ne toucherai pas à un micro ni à une caméra pendant un an. Ce parcours m’amène à partager mon quotidien dans des collectifs éphémères entre compagnons, et des collectifs implantés qui m’accueillent sur des périodes de cinq semaines. Je me rends alors sur une multitude de lieux: une ferme en polyculture en Mayenne « Radis and Co », une petite usine à bois en Creuse « Ambiance Bois », un bar-épicerie associatif « le Champ commun » dans un petit village du Finistère, et un Centre agro-écologique en Corrèze « Le battement d’ailes »

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Les personnes que j’y ai rencontrées, leur engagement et leur vitalité m’a chamboulé.

A "Radis and Co"Je découvre la vie à la ferme. Je travaille dans les champs de maraîchage, fais la traite des vaches avec le vacher, le fromage, fane les foins, pétris et façonne le pain au levain, participe aux marchés et aux A.M.A.P. Pendant mes heures creuses j’adore faire le tour de la ferme et de la serre à semis où les plantes, cherchant le ciel, semblent pousser sous mes yeux. Je n’ai pas l’habitude de travailler avec mon corps alors je fais souvent des siestes le midi, après le repas collectif, sous les nuages. Je me réveille ébloui par le ciel, je me sens comme dans un rêve. Parfois le soir, je me rends à des bals folk où je n’ose pas encore danser. Je découvre un monde où des inconnus se tiennent la main et se regardent dans les yeux, sans avoir bu une goutte d’alcool. Je découvre des danses collectives comme le cercle circassien, où partenaire après partenaire, je danse avec la moitié de la salle. Ces expériences m’ont un peu réconcilié avec le monde, car pour une fois, j’y participais moi aussi. Je descendais de quelques étages de ma tour d’ivoire et mes idées s’ancraient dans les brèches concrètes d’autres possibles. Mes grandes considérations sur la fin du pétrole, le nucléaire ou encore la vie en collectif se mettaient en veille au profit de la vie.

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A la fin du compagnonnage, en 2016, je propose à Télémillevaches (la plus ancienne des « télé brouette » encore en activité) de travailler avec eux. Je passe 6 mois en bénévolat, puis 7 mois en service civique à faire des reportages. Nous sommes une petite équipe et mes collègues sont très occupés. La plupart du temps je filme, prends le son et monte moi-même mes reportages. Je me sens un peu seul dans la réalisation au regard de mes expériences collectives passées, mais cela me confère vite une grande autonomie. Nous réalisons un magazine d’une heure tout les deux mois et je suis amené à travailler sur une multitude de sujets : la maladie de Lyme ou encore l’élevage bovin. Je fais des portraits de cantonniers, d’une jeune maraichère qui s’installe, ou encore d’une paysanne qui collecte les déchets ménagers avec son âne chez les personnes à mobilité réduite.

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Je vis sur le plateau de Millevaches, dans le collectif qui a créé la petite usine Ambiance Bois, il y a 30 ans.

Dans mon village, à Faux-la-montagne, nous sommes 450, cinquante de plus qu’il y a 4 ans. Une cinquantaine d’associations y oeuvrent et la salle polyvalente est occupée trois cent jours par an. Il y a une école avec deux classes, un bar, un salon de thé, une boulangerie, un festival de littérature et de poésie tous les ans, un centre médical et même un dentiste ! Je découvre une solidarité qui rayonne sur l’ensemble du plateau, une autre société parallèle, plus juste, seulement peuplée pourtant de 7 habitants au Km2. Les néo-ruraux, certains installés depuis 30 ans se sont souvent bien intégrés. Il faut dire que là-bas, l’exode rural est né d’une vielle tradition qui conduisait une majorité d’hommes à aller 8 mois dans l’année construire Paris et les grandes villes de France. Beaucoup ont fini par s’y implanter durablement, et dans les année 70, certains des maires de village ont bataillé ferme pour accueillir des nouveaux venus, pour que les villages désertés ne se meurent pas.

Je retrouve toujours un peu les mêmes têtes lors des soirées ouvertes mais lorsque je suis en reportage, je pousse les portes et j’en découvre d’autres aussi, plus esseulées, qui habitent à quelque pas de chez moi, dans des maisons que je pensais vacantes.

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A Télémillevaches, j’ose de plus en plus désynchroniser le son de l’image, faire du off, du hors champ. J’apprends les bases du mixage. Nous organisons une quinzaine de projections tous les deux mois, je m’y rends régulièrement pour échanger avec le public. Nous avons l’habitude de projeter des films avec seulement quelques spectateurs. Tous nos films ne nous plaisent pas, et pour certains d’entre eux nous avons du mal à les accompagner sur le terrain.

Un film en chasse un autre; même dans cette petite télévision associative, il faut produire, parfois sans inspiration. C’est notre héritage, un film tous les deux mois, certains reporters trouveraient ça cool. A côté de nos bureaux se trouve celui de Leatitia Carton et de François-Xavier Drouet, deux documentaristes qui développent des films sur des années. J’ai moi aussi besoin de temps, comme celui que j’avais pris pour le film sur l’atelier de peinture de ma mère. Je me sens de plus en plus critique face aux reportages que je réalise, et leur portée me semble bien moindre.

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A la fin de mon service civique à Télémillevaches, Oscar, un ami, me rejoint à Faux la Montagne. Nous réalisons ensemble le portrait d’un centre de vacances abandonné, créé en pleine nature pour les enfants des employés d’ E.D.F. Nous passons des jours à le filmer en plan fixe, et parallèlement nous allons dans un centre aéré voisin où nous captons une multitude d’ambiances sonores et enregistrons des dialogues d’enfants. Au montage nous essayons de faire revivre le centre, en superposant les sons du centre aéré aux images fixes du centre. Nous construisons une trame narrative qui retrace l’histoire du centre, de son âge d’or à son abandon. « Un jour en colonie » fut sélectionné dans une quinzaine de festivals.

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Après Télémillevaches, je me questionne sur « le » film que j’ai envie de réaliser. Et c’est avec une certaine évidence que je me lance sur « les libertés prises », long métrage documentaire qui fait directement écho à mon expérience de compagnonnage. J’écris pendant presque 4 mois un dossier de film, fais une demande d’aide à l’écriture au C.N.C que je n’aurai pas. Je cherche des boites de production mais je ne connais personne dans le milieu. Je ne trouve personne pour m’accompagner. Avec mon frère, je crée une page de crowdfunding sur le site d’Hello Asso pour présenter le projet et financer le film. Les premiers mois je ne récolte presque rien, mais je décide quand même de lancer le tournage. J’investis dans ma première caméra et dans du matériel de son, je forme un ami à la prise de son direct qui m’accompagnera sur une partie du tournage. Le travail sonore, peu à peu, devient aussi important que celui de l’image.

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Présent dès le début du compagnonnage, j’ai 4 jours pour choisir mes personnages principaux. Finalement, ça sera Élisa et Vincent que j’accompagnerai pendant 5 mois, le temps du parcours. Je filme beaucoup en cinéma dit « direct ». Mes personnages principaux changent de lieux et de collectifs fréquemment, aussi je filme beaucoup et cumulerai au final 150 heures d'images. Et pendant le tournage, petit à petit, les dons se cumulent sur le crowdfunding. En tout, 17 000 euros seront récoltés, la quasi-totalité du budget du film.

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Après le tournage je m’installe chez Bertrand Leduc, mon monteur et sa famille, dans une petite ferme vivrière en Aveyron. Il nous aura fallu 4 mois entier pour faire un film qui contrairement aux rushs, ne part pas dans tous les sens !

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En parallèle du montage, je m’absente parfois pour faire la prise de son d’un long métrage documentaire d’un réalisateur qui travaille sur la pédagogie perceptive. J’essaye de nouveaux micros, et pendant les longues prises j’écoute le son avec, puis sans le casque. Parfois je n’écoute que le timbre de la voix, ses silences et l’espace dans lequel elle résonne. Nous tournons un film sur des enfants qui font des séjours en pleine nature. Nous filmons sur un radeau lors d’une descente de la Loire, à cheval, ou en randonnée, nous inventons sans cesse des dispositifs de captation.

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Dans les périodes de montage de mon film, toujours en Aveyron, le weekend, je me rends régulièrement à Decazeville, la ville la plus proche, une ancienne cité minière. J’emporte mon enregistreur et mes micros et questionne les gens sur des concepts forts et fourre-tout comme l’amour ou la nature. Presque tout le monde accepte sans grande difficulté de parler au micro. Je traine dans les bars, les banques, les supermarchés, je m’amuse, interromps les courses des gens en leur tendant le micro d’un air important. Je les écoute simplement, ou les fais dialoguer ensemble, rebondissant d’une manière plus ou moins maladroite car je suis naïf de leur vie, je découvre leur monde. Et je remonte dans ma campagne et réécoute. Souvent il n’y a pas grand-chose à jeter, ça sonne juste. Sur 1H30, je garde 20, 30, 40 minutes, je tuile les sons directs avec les ambiances sonores, je compose quelques airs de guitare ou de piano pour rythmer et densifier les paroles. Ce n’est jamais pareil. Je fais ça pour rencontrer les gens, et créer des situations qui me semblent importantes. Tel un bâton de parole, le micro navigue librement vers ceux qui ont des choses à raconter. Nous avons tous des choses à dire et à penser. Ces excursions sonores à Decazeville contrastent avec le montage de mon film qui dura 4 mois et ne pouvait avancer que pas à pas, loin de la spontanéité de mes micros trottoirs.

 

A l’été 2019, je pars faire une traversée des Pyrénées à pieds, d’est en ouest, équipé de 5 kilos de matériel son et image sur le dos, en plus de celui de la randonnée. J’ai miniaturisé le plus possible mon dispositif technique de captation, selon mes critères de qualité. Cela fait des années que je marche plusieurs semaines par an et que j’ai envie de réaliser un film là-dessus. Je pense faire des portraits de marcheurs et de moi-même. Je veux dialoguer avec eux quand ils marchent, se cuisinent leur popote ou montent leur tente. Mais mon sac à dos se révèle trop lourd pour moi, et mon désir d’aventure supplante mon désir de film. J’ai envie de vivre au jour le jour, au gré des rencontres et des éléments, sans me préoccuper d’un film. Je laisse alors tout mon matériel dans un refuge et pars marcher un mois, l’esprit et le corps légers.

J'ignorai alors la présence de l’ours dans les Pyrénées. Puis nombre d’histoires m’ont été racontées par les bergers, croisés au fur et à mesure de ma marche. Jusqu’à un soir où je l’ai vu alors que je montais ma tente dans une pente pas possible. C’était nouveau pour moi, ce sentiment d’être prédaté par un animal sauvage, plus grand et plus fort. De cette marche, de ces rencontres, j’ai élaboré un projet de film sur l’ours et sa cohabitation avec l'homme.

 

En 2020, je réalise « Nuisibles », un conte documentaire. « Nuisibles » c’est L’histoire de Fanny et d’Olivier son père, agriculteur céréalier dans le Loiret. Ils doivent, durant 5 semaines, garder les 20 hectares de champs de maïs fraichement semé pour les protéger des corbeaux.

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Avec "Nuisibles", je me suis laissé beaucoup de temps pour le montage son. J’ai bruité une grande partie des scènes, travaillé sur les ambiances sonores, la voix off et l’incorporation de la musique à l’univers sonore du film. Musique composé par Oscar Aubry, avec qui j’ai travaillé conjointement au fur et à mesure de l’avancée du montage. Je me suis ensuite formé aux outils du mixage pendant plusieurs semaines pour ensuite mixer le film. 

 

Aujourd’hui je vis en collectif en Ardèche. J’ai des envies grandissantes de films, envies que je crayonne par ci par là, qui prendront forme en temps voulu. En attendant, je consacre un peu de temps à la diffusion de mes films.

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